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  • VOIX DU NORD

Lille : aux assises, «il m’a volé ma vie, ma joie, mon bonheur…Il m’a tout pris!»

Devant la cour d’assises du Nord, le face-à-face des victimes de viols et de violences avec l’accusé restera stérile. Les jeunes femmes qui se succèdent à la barre accusent formellement le Lillois de 45 ans qui, de son côté, dit qu’il est victime d’une cabale de prostituées nigérianes.


Les avocats de la partie civile. De g. à d., Mes Sarah Nadji, Vincent Potié, Thomas Sebbane, Emilie Perrier et Gaelle Moquet


Elles portent de longues perruques tressées : blonde pour Abigaïl, brune pour Purity, violette pour Joy. Elles témoignent sous le « nom de rue », qui, depuis leur arrivée en France, a été leur seule identité. L’histoire qu’elles racontent à la barre, avec l’aide d’une traductrice anglophone, commence toujours par la même misère.


Elles sont nées au Nigeria, ont croisé une « Mama » qui leur avait fait miroiter l’Europe. « Je pensais venir travailler dans la coiffure », racontera Purity, qui débarque en France fin 2015, à peine majeure, pour fuir un beau-père violeur. Comme les autres, elle a 30 000 € de dette pour le voyage, et craint le « Juju » (mauvais sort), qui lui prévoit les pires horreurs, si elle avait l’idée de ne pas rembourser.


« Je ne sais pas »


De Lille, ces jeunes Nigérianes connaîtront surtout les trottoirs de l’avenue du Peuple-Belge. Abigaïl et Purity étaient adossées à la Halle au sucre quand, affirment-elles, Chouaibou T. les a abordées en voiture, à quelques mois d’intervalle. Le dialogue avait été sommaire… « Combien ? » « 50 euros. »


Elles ont toutes les deux été violées sous le pont de l’Abbaye, à Saint-André. Joy a été emmenée à Lambersart, derrière une voie ferrée. Elle a été frappée.

Chouaibou T. dit que ce n’est pas lui. « Comment expliquez-vous que votre téléphone et votre voiture sont géolocalisés à l’endroit de l’agression ? », demande l’avocat général, Michaël Bonnet. Réponse : « Je ne sais pas. »


En défense, Me Stefan Squillaci et Robert Adam contestent alors certains « bornages », pour appuyer la ligne de défense de leur client : Chouaibou T. affirme qu’il est victime d’un complot ourdi par les prostituées nigérianes.


« J’avais peur de mourir. Il faisait noir. On était au bord de l’eau. Je ne sais pas nager. »

Ses accusatrices l’ont reconnu sur photo ou l’ont décrit précisément aux gendarmes, ont détaillé son véhicule… jusqu’à la photo de famille sur le pare-soleil. Abigaïl raconte comment l’homme a refusé de payer avant la prestation sexuelle, qu’il lui a imposé des relations sous la violence. L’interprète traduit : « J’avais peur de mourir. Il faisait noir. On était au bord de l’eau. Je ne sais pas nager. » Abigaïl parle soudain en français : « Je lui disais "Stop, s’il vous plaît ". » Elle prend une longue respiration, et répète deux fois, en fixant l’accusé dans les yeux : « Il m’a volé ma vie, il m’a volé ma joie, il m’a volé mon bonheur. Il m’a tout pris. »


Le président Erik Tessereau demandera à l’accusé : « Vous connaissez cette dame ? » Réponse : « Je ne l’ai jamais vue. » « À votre avis, pourquoi vous accuse-t-elle ? » Réponse : « Je ne sais pas. »


Chouaibou T. ne connaît pas non plus Purity. Alors, la jeune femme arrache d’une main sa perruque : « Really ? You don’t know me ? (*). » L’accusé n’a pas cillé.


(*). « Vraiment ? Tu ne me connais pas ? »

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